LE DROIT AU SILENCE
Les militaires ont le droit de garder le silence dans les procédures disciplinaires engagées à leur encontre.
Résumé : Au cours d’une procédure disciplinaire, le militaire mis en cause a le droit de ne pas s’accuser lui-même et peut garder le silence. Il doit donc être informé qu’il a le droit de se taire.
Ce droit ne peut toutefois pas être invoqué au cours des enquêtes de commandement.
→ Voir les dispositions législatives relatives à la discipline des militaires.
LE DROIT AU SILENCE
1. Rappel des faits.
Au terme d’une procédure disciplinaire, un militaire s’est vu infliger 20 jours d’arrêts avec dispense d’exécution.
Demandant au Conseil d’État d’annuler la décision de sanction, il soumet à la juridiction administrative suprême une question prioritaire de constitutionnalité (article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958). Cette question (ci-après « QPC ») porte sur la conformité du cinquième alinéa de l’article L. 4137-1 du code de la défense à la Constitution, notamment à l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 (ci-après « DDHC »).
Le requérant soutient que, ne prévoyant pas d’obligation d’informer le militaire qu’il a le droit de se taire lors d’une procédure disciplinaire à son encontre, la loi méconnaît le principe à valeur constitutionnelle selon lequel nul n'est tenu de s'accuser. Comme le rappelle le Conseil d’État, ce principe implique que « la personne poursuivie ne [peut] être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'elle soit préalablement informée du droit qu'elle a de se taire ». Ce principe et sa portée ont été dégagés par les décisions du Conseil constitutionnel des 2 mars 2004 (n° 2004-492 DC) et 4 novembre 2016 (n° 2016-594 QPC).
Estimant la question nouvelle et sérieuse, le Conseil d’État la renvoie au Conseil constitutionnel.
→ Voir la décision du Conseil d’État du 7 février 2025 (n° 492409).
2. Le militaire soumis à une procédure disciplinaire doit être informé du droit qu’il a de se taire.
Le Conseil constitutionnel rappelle : « Aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : "Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi". Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire. »
En l’espèce, le Conseil constitutionnel estime que, si l’article L. 4137-1 du code de la défense permet aux militaires de présenter leur propre défense à l’occasion d’une procédure disciplinaire engagée à leur encontre, cette possibilité « peut être de nature à lui laisser croire qu’il ne dispose pas du droit de se taire ».
Par conséquent, le Conseil considère qu’ « en ne prévoyant pas que le militaire à l’encontre duquel une procédure de sanction est engagée doit être informé du droit qu’il a de se taire, les dispositions contestées méconnaissent les exigences de l’article 9 de la Déclaration de 1789 » et « doivent être déclarées contraires à la Constitution ». Ce faisant, les mots « et à la présentation de sa défense » figurant au cinquième alinéa de l’article L. 4137-1 du code de la défense sont censurés.
3. Malgré l’aménagement des effets de la décision du Conseil constitutionnel dans le temps, il importe d’informer les militaires de leur droit de se taire en cas de procédure disciplinaire à leur encontre.
Le Conseil constitutionnel aménage dans le temps les effets de sa décision en les reportant au 1er mai 2026. En effet, il estime qu’« en l’espèce, l’abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles aurait pour effet de priver le militaire poursuivi dans le cadre d’une procédure de sanction de la possibilité de présenter sa défense sur les faits qui lui sont reprochés » et « entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives ».
Nonobstant l’aménagement des effets de sa décision, le Conseil constitutionnel décide qu’ « afin de faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, le militaire à l’encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée doit être informé de son droit de se taire ».
→ Voir la décision du Conseil constitutionnel du 30 avril 2025 (n° 2025-1137 QPC).
Une décision similaire a été rendue l’année dernière pour les fonctionnaires par le Conseil constitutionnel.
4. Le droit au silence ne peut être invoqué au cours d’enquêtes de commandement.
Comme l’indique le Conseil constitutionnel dans sa décision du 30 avril dernier, les exigences issues de l’article 9 de la DDHC « s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition ».
Suivant l’instruction du 20 avril 2017 relative aux enquêtes de commandement (n° 6296/DEF/CM), une enquête de commandement est « une forme d'enquête interne (ou administrative) qui vise à identifier un éventuel dysfonctionnement ou les risques pouvant altérer le fonctionnement des organismes ou des forces au sein du ministère de la défense ». À cet égard, cette procédure n’a pas une vocation répressive.
Par conséquent, le droit au silence ne peut pas être invoqué à l’occasion d’enquêtes de commandement.
→ Voir l’instruction du 20 avril 2017 relative aux enquêtes de commandement (n° 6296/DEF/CM).
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