Jurisprudence sanction

La jurisprudence est l’ensemble des décisions de justice (Conseil d’État, cours administratives d’appel, cour de Cassation…) qui ont pour effet d’interpréter les textes de loi ou de préciser leur application.

Avant d’engager une action devant une juridiction, connaître la jurisprudence est indispensable afin de mesurer les chances de succès de votre action, au regard de situations similaires pour lesquelles les juges se sont déjà exprimés.

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Sanction disciplinaire – activité accessoire dissimulée – congé de maladie.

Résumé : un blâme du ministre (L. 4137-2 du code de la défense)  peut être légitiment infligé à un militaire qui pratique une activité accessoire de sapeur-pompier volontaire alors qu’il est en congé maladie, cette sanction disciplinaire étant jugée proportionnée à la faute commise.

 

1. Rappel des faits.

A la suite de l'annulation par un jugement du Tribunal Administratif de Cergy-Pontoise du 4 juin 2019 d'une sanction de radiation des cadres pour motif disciplinaire visant M. B, celle-ci ayant été jugée disproportionnée, prise au motif que celui-ci avait pris part à des activités de sapeur-pompier volontaire pendant ses congés de maladie, la ministre des armées a infligé un blâme à l'intéressé par la décision contestée du 17 décembre 2019. M. B soutient que son état de santé l'a empêché de préparer utilement sa défense et de se présenter devant le conseil d'enquête réuni le 28 janvier 2018. Ainsi, M.B relève appel du jugement du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision de la ministre des armées du 17 décembre 2019 lui infligeant un blâme.

2. Une sanction respectant les droits de la défense, non entachée d’erreur de fait et proportionnée à la faute commise.

2.1. Les droits de la défense sont respectés en l’absence de certificat attestant une incapacité physique ou psychologique à se présenter ou à faire valoir sa défense devant un conseil d’enquête.

« Toutefois, le placement de M. B en congé de longue durée pour maladie ne faisait pas par lui-même obstacle à l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre. Si deux certificats médicaux établis les 13 novembre 2017 et 8 décembre 2017 ont estimé que le report du conseil d'enquête était souhaitable compte tenu de l'état de santé de M. B et si l'intéressé ne s'est pas présenté devant ce conseil, d'une part, une telle consultation n'était pas obligatoirement requise préalablement à l'intervention de la sanction du premier groupe dont l'intéressé a finalement fait l'objet et, d'autre part, il n'est pas établi ni même allégué, alors même que l'intéressé a été placé en congé de longue durée pour maladie pour une durée de six mois à compter du 3 juillet 2017 et du 3 juillet 2018, qu'il se serait trouvé hors d'état de se défendre personnellement en raison de son état de santé entre l'engagement de la procédure disciplinaire en 2017 et l'intervention de la sanction litigieuse le 17 décembre 2019. En outre et en tout état de cause, il ne ressort ni des certificats médicaux précités, ni des autres pièces du dossier, notamment du courrier de M.B à l'officier rapporteur ou de l'avis du médecin responsable de la 109ème antenne médicale du 11 décembre 2017 selon lequel l'intéressé n'était pas apte à se présenter à la convocation du 12 décembre 2017, que l'intéressé était physiquement ou psychologiquement dans l'incapacité de se présenter et de faire valoir ses observations devant le conseil d'enquête reporté au 26 janvier 2018. Ainsi le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire aurait été viciée et de ce que M. B aurait été privé du droit de se défendre doit être écarté. »

2.2.  La pratique d’une activité accessoire pendant un arrêt de maladie est constitutive d’une faute.

« En deuxième lieu, M. B a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 9 janvier 2017 et au moins jusqu'au 3 juillet 2017. Il ressort des pièces du dossier, en particulier du courrier du directeur départemental des services d'incendie et de secours des Deux-Sèvres du 23 juin 2017, d'un compte rendu établi par un militaire le 21 juin 2017 et des relevés d'activité produits en appel par le requérant, que ce dernier a effectué des interventions en qualité de sapeur-pompier volontaire les 15 avril 2017 et 14 mai 2017. Ainsi, alors même qu'il n'a pas participé aux exercices des 15 et 29 mai 2017, que cette activité de sapeur-pompier volontaire constitue une activité accessoire, qu'il n'aurait pas effectué d'astreintes les nuits et week-ends, M. B n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté est entaché d'erreur de fait. »

2.3.  Un blâme du ministre est une sanction proportionnelle à la faute commise, quand bien même l’intéressé n’aurait pas d’antécédent disciplinaire.

« Enfin, si M. B n'a pas d'antécédent disciplinaire et si ses bulletins de notation annuelle jusqu'en 2016 témoignent de sa bonne manière de servir, la ministre des armées ne peut cependant être regardée, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant pris une sanction disciplinaire disproportionnée à son encontre en lui infligeant un blâme, alors même qu'il s'agit de la sanction la plus élevée parmi celles du premier groupe. »

« Il résulte de tout ce qui précède que la requête de M. B est manifestement dépourvue de fondement. Par suite, elle doit être rejetée en application des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article R. 222-1 du code de justice administrative , y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative . »

 

Une sanction disciplinaire peut être légitiment prononcée contre un militaire quand bien même celui-ci soit placé en congé de longue durée pour maladie, sous réserve que la procédure de droit à formuler des observations en défense, prévue à l’article R4137-15 du code de la défense, ait été respectée.

Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/07/2021, 444784

« En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'autorité militaire de premier niveau a invité à plusieurs reprises M. B..., placé en congé de longue durée pour maladie du 11 juillet 2017 au 11 janvier 2019, à proposer des dates pour la tenue d'un entretien et à lui faire parvenir ses observations en défense . Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. B... l'aurait privé de la faculté de présenter des observations écrites en application du premier alinéa de l'article R. 4137-15 du code de la défense . Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction litigieuse aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté. »

Le régime de la sanction disciplinaire prononcée avec sursis : L’absence d’intérêt à agir en justice pour le militaire

Par un arrêt du 23 juin 2023 le Conseil d’État a confirmé que les conclusions dirigées contre une sanction disciplinaire assortie d'un sursis deviennent sans objet dès lors que le sursis a expiré.

I) Le sursis, une procédure prévue au code de la défense.

            Le  régime du sursis est  prévu à l’article  R4137-33 du code de la défense comme une mesure prononcée « pour un délai déterminé par l'autorité qui a infligé la sanction. Ce délai ne peut être inférieur à trois mois ni excéder douze mois. En cas de sursis, la sanction de consigne ou d'arrêts n'est ni exécutée ni inscrite, la réprimande, le blâme ou le blâme du ministre n'est pas inscrit. Si le militaire fait, au cours du délai de sursis, l'objet d'une sanction égale ou supérieure à la sanction ayant fait l'objet d'un sursis, il est mis fin au sursis et la sanction non encore exécutée s'ajoute à la nouvelle sanction. Les sanctions assorties d'un sursis ne sont inscrites au dossier individuel que lorsque le sursis est révoqué. ». 

II) L’absence d’intérêt à agir en justice contre une sanction disciplinaire réputée non écrite à l’issue du sursis.

 

La haute juridiction administrative vérifie préalablement l’intérêt à agir du militaire qui effectue un recours contentieux contre une sanction prononcée avec sursis (Conseil d'État, 7ème chambre, 23/06/2021, 447863, Inédit au recueil Lebon).

 Ainsi, « Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 6 février 2020, le commandant du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale a infligé à M. A... une sanction de vingt jours d'arrêts avec dispense d'exécution. Saisi par l'intéressé d'un recours hiérarchique, le directeur général de la gendarmerie nationale a, par une décision du 2 juin 2020, assorti cette sanction d'un sursis à exécution de douze mois. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de ces deux décisions. »

« Il n'est pas contesté que M. A... n'a fait l'objet, au cours du délai de sursis qui expirait le 21 février 2021, d'aucune sanction égale ou supérieure à la sanction ayant fait l'objet du sursis. Si M. A... a produit une fiche individuelle de renseignement mentionnant cette sanction, il ressort des pièces du dossier que l'administration a procédé à l'effacement de cette mention. Par suite, les conclusions à fin d'annulation dirigées contre les décisions attaquées, qui n'ont fait l'objet d'aucune exécution et ne font plus l'objet d'une inscription au dossier individuel du requérant, sont sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer. Il en va de même, par voie de conséquence, pour les conclusions présentées à fin d'injonction. »

« Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. »

En conclusion, cette jurisprudence renforce le caractère temporaire des sanctions disciplinaires assorties de sursis dans l'armée de Terre française. Une fois le délai de sursis écoulé, le militaire perd son intérêt à agir en justice contre la sanction, puisqu'elle est réputée non écrite. Cette clarification juridique contribue à garantir l'efficacité du système disciplinaire tout en respectant les droits des militaires.

 

Sanction de 40 jours d’arrêts validée contre un caporal-chef pour brimades et violences.

Un caporal-chef d’encadrement, chef de groupe d’une formation générale initiale, use de brimades et de violences contre un jeune engagé volontaire qui porte plainte. Une sanction de 40 jours d’arrêts est décidée.

Défendu par le cabinet parisien MDMH, ce militaire porte son affaire en justice.

Le tribunal administratif de Strasbourg a tranché en validant la sanction de 40 jours d’arrêts, estimant que « l’existence de faits de violence, mis en évidence par l’enquête de commandement […] et commis par des gradés d’encadrement à l’égard de plusieurs jeunes recrues, sous la responsabilité de M. D., chef de groupe ». « Ces faits révèlent de graves manquements de M. D. dans son rôle de chef de groupe, une attitude partiale et discriminante à l’égard de certains engagés et l’usage injustifié de la violence, verbale et physique, à leur encontre ».

L’intéressé invoquait des faits de syndromes post-traumatiques afin d’expliquer son comportement envers les jeunes recrues. Les juges ont estimé que cette justification n’était pas valide, en dépit de l’excellente manière de servir de ce militaire et des certificats médicaux présentés.

Régularité d’une sanction disciplinaire - droit de la défense - congé de longue durée pour maladie.

Une sanction disciplinaire peut être légitiment prononcée contre un militaire quand bien même celui-ci soit placé en congé de longue durée pour maladie, sous réserve que la procédure de droit à formuler des observations en défense, prévue à l’article R4137-15 du code de la défense, ait été respectée.

Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 20/07/2021, 444784

« En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'autorité militaire de premier niveau a invité à plusieurs reprises M. B..., placé en congé de longue durée pour maladie du 11 juillet 2017 au 11 janvier 2019, à proposer des dates pour la tenue d'un entretien et à lui faire parvenir ses observations en défense . Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de M. B... l'aurait privé de la faculté de présenter des observations écrites en application du premier alinéa de l'article R. 4137-15 du code de la défense . Par suite, le moyen tiré de ce que la sanction litigieuse aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté. »

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