Essaims de drones : quels enjeux pour le combat de haute intensité ?

Face à la possible résurgence des conflits majeurs dans le futur, les forces armées françaises doivent réapprendre la grammaire du conflit de haute intensité. En ce sens, l’armée de Terre doit disposer d’outils lui permettant d’engager de la masse lors de ses opérations. Cette note de recherche explore l’usage prospectif tactique, aussi bien offensif que défensif, des essaims de drones et de la lutte anti-drones dans le cadre d’un conflit de haute intensité à l’horizon 2035.

Démonstration du nano-drone Black Hornet © A.Thomas-Trophime/DICOD

Visualiser et télécharger le document

Ce document ne constitue pas une position officielle de l’armée de Terre.

Essaims de drones : quels enjeux pour le combat de haute intensité ?

Mis à jour : 23 novembre 2021.

Par : Sarah Guendouz, rédactrice au pôle études et prospective (PEP).

 

Cette étude repose sur un travail de veille et de lecture de documents relatifs aux évolutions technologiques en matière de drones et d’essaims de drones, ainsi que sur des entretiens effectués avec des officiers de l’armée de Terre, respectivement spécialisés dans l’emploi des drones et la lutte anti-drones. Le document présentera dans un premier temps les possibilités offertes par un usage offensif et défensif des essaims de drones, avant de s’intéresser aux moyens de lutte anti-essaim de drones. Certains aspects liés au développement de la technologie de l’essaim de drones ne seront pas traités, tels que l’économie, l’éthique, ou les problématiques industrielles ; ces derniers restent néanmoins des éléments cruciaux et indissociables de cette réflexion.

 

Introduction

Le contexte géopolitique global est marqué par la résurgence de multiples menaces. Ces dernières se traduisent notamment par une hausse des revendications dans des zones contestées, remettant en cause les fondements du système international et faisant craindre un retour aux conflits majeurs ou guerres totales. L’armée de Terre française se prépare ainsi à intervenir dans des conflits dits de « haute intensité ». Pour comprendre la haute intensité, il faut apprécier le conflit dans sa globalité car cette logique implique que l’on fasse la guerre dans l’ensemble du spectre, que l’on mêle différentes pratiques de la guerre (conventionnelle ou non). Ainsi, le chef d’état-major de l’armée de Terre définit la haute intensité comme « un conflit qui nous verrait confrontés à un ennemi aux capacités équivalentes aux nôtres. Il serait caractérisé par un changement d’échelle dans la confrontation : plus dur, se déroulant dans l’ensemble des champs de la conflictualité. Cet ennemi symétrique, doté des armements et des technologies les plus modernes, serait capable de se confronter à l’armée de Terre, non seulement dans le milieu aéroterrestre, mais aussi dans le cyberespace, le champ électromagnétique et surtout le champ informationnel ». La haute intensité se traduirait donc par un affrontement contre un État compétiteur de même niveau, à même de faire perdre l’initiative aux forces armées françaises.

Dans ce cadre, l’armée de Terre doit repenser son appréhension des conflits et explorer le développement de nouvelles capacités répondant à la demande de masse, facteur de supériorité opérationnelle induit par la haute intensité. L’essaim de drones semble être une technologie particulièrement adaptée à cet enjeu. On peut concevoir le drone comme un système inhabité, c’est-à-dire un engin automatisé piloté à distance par un opérateur humain ou accomplissant en autonomie une tâche demandée, autrement dit « un système automatisé et composé de fonctions pouvant être téléopérées, supervisées, semi-autonomes ou pleinement autonomes ». Cette note de recherche emploiera le terme « drone » dans un sens générique : un drone peut aussi bien être aérien (unmanned aerial vehicle, UAV), que terrestre (unmaned ground vehicle, UGV) ou nautique (unmanned surface vehicle, USV) ; il est capable de voler et/ou de rouler et/ou de naviguer en zone aéroterrestre. Face à leur usage toujours plus important dans les récents conflits (Haut-Karabakh, Syrie et Libye notamment), il convient d’imaginer une utilisation du drone adaptée à la haute intensité, c’est-à-dire qui réponde aux besoins de masse, de résilience et de redondance. La technologie de l’essaim (swarm en anglais) apparaît en ce sens très intéressante. On peut définir un essaim de drones comme « une multitude de systèmes téléopérés déployés pour accomplir un objectif partagé, ces systèmes modifient en autonomie leur comportement en communiquant les uns avec les autres ». À la manière de l’essaim d’abeilles, on ne peut définir avec précision quelle quantité de drones doit être déployée pour obtenir la qualification « d’essaim ». L’essaim de drones se distingue d’un simple groupe de drones par l’utilisation de l’intelligence artificielle et la communication en réseau. En effet, contrairement à un groupe qui opère sans réelle communication, l’essaim développe une forme d’intelligence collective, ce qui lui donne la capacité de s’adapter, de se réadapter et de coordonner ses actions pour accomplir sa mission. Cependant l’objectif principal reste de provoquer une impression de masse contribuant à la saturation de l’espace par l’utilisation d’une multitude de drones. La submersion des forces adverses s’obtient par une combinaison de la masse et de la manœuvre décentralisée, couplée à une force de frappe venant de plusieurs directions. À l’heure actuelle, de nombreux pays développent la technologie de l’essaim. Parmi les pays leaders, nous retrouvons les États-Unis, Israël, la Turquie, la Russie et la Chine. Les essaims turcs auraient déjà été déployés en Syrie, et se seraient imposés comme un véritable levier de supériorité face aux forces russes. L’Inde a également prouvé qu’elle était capable de déployer des drones en essaim lors de récents tests, tout comme la Chine ou encore les États-Unis. Sur le sol européen, le Royaume-Uni travaille sur le développement de son programme d’essaim. La technologie de l’essaim étant déjà maîtrisée dans le secteur civil, il ne fait aucun doute que ces États seront capables dans un futur proche de déployer leurs essaims sur un théâtre d’opération.

Partager la page

Veuillez autoriser le dépôt de cookies pour partager sur

Contenus associés